En 1972, Yann-Kouarintin Ar Gall, Didier Quiniou, Gilles Roland et Raymond Riou fondent le groupe Sonerien Du (les sonneurs noirs). Ce nom en hommage à deux sonneurs de Pont-L'Abbé qui s'habillaient toujours en noir et qui furent pendus suite à une erreur judiciaire.
C'est l'époque où Alan Stivell commençait à faire connaître la musique bretonne au delà des frontières et où ses idées musicales mélangeant tradition et modernité allaient inspirer bon nombre de musiciens en Bretagne.
Bientôt rejoints par Yann Goas et Dany Tanneau, les Sonerien Du se spécialisent dans la musique des festou-noz, c'est à dire des fêtes de nuit.
Une musique à danser puisant largement dans le répertoire traditionnel.
Un couple de sonneurs (biniou kozh et bombarde) appuyé par un accordéon et soutenu par une guitare et un banjo.
Le bassiste Jean-Pierre Le Cam va rejoindre le groupe en 1973.
En 1976, Dany Tanneau quitte les Sonerien Du.
Se succéderont ensuite Patrig Sicard et Christian Desborde avant l'arrivée de Hervé Kerneis (violoniste-guitariste) en 1979.
Les Sonerien Du s'y entendent pour mettre l'ambiance dans un fest-noz et faire danser un public de tous âges.
Non seulement par des instrumentaux mais aussi grâce à un très grand nombre de chansons chantées en breton et en français.
Leur "kan ha diskan" (chant à répondre) est très efficace car Raymond Riou (guitare) et Jean-Pierre Le Cam n'ont pas leur pareil pour chauffer le public.
Derrière eux, le formidable soliste qu'est Yann Goas (bombarde, veuze,whistle...) donne à cette musique des couleurs à la fois très bretonnes et très originales.
L'accordéon de Gilles et le violon d'Hervé donnent à la musique des Sonerien Du un irrésistible côté entraînant.
Des années '70, je garde le souvenir d'une cassette audio "Bal Breton 2" bien caractéristique du style des Sonerien. Avec des titres comme "Jean-Marie" (une histoire un peu moqueuse sur un air de laridé) ou "Le rosier blanc", un hanter-dro bien marqué ou cet autre morceau "Ar bloaz paseet" un andro dynamique où l'accordéon dialogue avec le whistle.
C'est aussi durant cette décennie que Dan Ar Braz a fait partie du groupe à l'époque de leur troisième album.
Un de mes disques préférés reste "Feunteun an Aod" paru en 1981.
Tout comme l'a fait Stivell avec sa chanson "Beg ar Van" ou les Tri Yann avec leur album "Si mort a mors", les Sonerien Du évoquent aussi les événements de Plogoff.
Révolte des habitants contre l'implantation d'une centrale nucléaire illustrée par le film "Plogoff, des pierres contre des fusils" de Nicole et Felix Le Garrec.
Outre cet émouvant "Feunteun an aod" composé par Yann Goas et Hervé Kerneis, une série de titres sont très intéressants sur ce disque.
Très peu de choses traditionnelles mais des compositions d'airs et de chansons à danser aux rythmes de gavottes, de laridés ou de plinn qui donnent un irrésistible besoin de bouger.
"L'artilleur" et "L'oiseau noir" sont mes chansons préférées.
En 1982, le groupe fête déjà ses dix années d'existence et choisit de réaliser son nouvel album en Hollande !
Grand amateur de folk, Ben Mathijssen produit là un disque de grande qualité.
La pochette est on ne peut plus originale puisque Martin Lodewijk dessine les membres du groupe à la manière d'Uderzo dans Asterix.
Les cinq musiciens sont en très grande forme.
Davantage de traditionnels sur ce disque anniversaire avec des titres très rythmés comme "le fils du Roy" , "Quand j'étais chez mon père" ou le fameux "Marie bas de laine"
...C'est à cinq heures dedans la plaine,
Marie cache tes jolis bas de laine.
Marie cache tes jo, Marie cache tes bas
Marie cache tes jolis bas de laine
Qu'on ne les voye pas...
Un anniversaire très festif !
L'album suivant sera également produit par les Hollandais de Munich Records en 1983.
Gilles Roland a quitté le groupe et est remplacé par Claude Lebrun qui joue des synthés et de la harpe celtique.
La première partie de ce disque est "classique" c'est à dire avec des chants et des danses très entraînantes (Suite Fisel, Gervais...).
La seconde moitié est consacrée à la légende du roi Marc'h comme l'indique le titre de l'album
"Roue Marc'h".
Faisant partie des légendes de la ville d'Ys, ce récit raconte comment le roi Marc'h qui possédait un cheval extra-ordinaire fut victime d'un sort jeté par la princesse Dahud.
Morvac'h (cheval marin) était très rapide et capable de galoper sur les flots.
Lors d'une chasse à courre, Dahud transformée en biche fut rattrapée par March' et son cheval.
Pour s'en sortir, elle n'eut comme seul recours que de jeter un sort au roi en l'affublant des oreilles et de la crinière de son cheval.
"Le roi Marc'h a les oreilles du cheval Morvac'h" ...la légende raconte comment le roi lutta contre la honte de cette affirmation.
Les Sonerien Du ont donc composés neuf titres instrumentaux et chantés à partir de cette histoire transmise par Yann Brekilien (La Mythologie Celtique).
Un disque à la fois beau et intéressant.
Grosse révolution musicale en 1986 avec l'album "Amzer Glaz".
Cette fois un batteur, Gérard Belbeoc'h est de la partie et un nouveau claviériste, Eric Dureau.
Révolution car forcément la batterie qui marque le rythme de façon beaucoup plus appuyée mais aussi l'importance considérable des claviers.
Gilles Roland troquait parfois son accordéon contre des claviers mais jouait de manière très soft. Il en était de même pour Claude Lebrun sur "Roue Marc'h".
Ici, la plupart des arrangements sont d'Eric Dureau et ça s'entend car les claviers sont omniprésents.
Ce n'est certes pas désagréable car c'est très bien fait mais ça donne une coloration très différente à la musique du Sonerien Du.
"Amzer Glaz" reste d'ailleurs un des disque que je préfère du groupe.
En particulier la suite de gavottes "Kafi" composée par Yann Goas.
Yann a fait un parrallèle entre "Kafi" qui est un "thât (type musical traditionnel d'Inde) qui correspond à une gamme utilisée dans ces gavottes.
Un jeux de bombarde vraiment très recherché dans ce titre !
Amzer Glaz, un disque qui aura marqué l'histoire du groupe.
Jean-Pierre le Cam
1987, nouvel enregistrement avec "Tradition vibrante" réalisé par la même équipe à l'exception de Gérard Belbeoc'h qui reste le batteur sur scène mais est remplacé sur ce disque par le percussionniste Jacques Moreau.
Jacques fait aprécier de nouvelles sonorités d'accompagnement avec ses congas, timbales et autres djembe.
Disque dans la même veine que le précédent avec beaucoup d'arrangements d'Eric Dureau et des morceaux composés par les divers membres du groupe.
Comme chaque fois, la bonne humeur des deux chanteurs (Raymond Riou et Jean-Pierre le Cam), les grandes qualités musicales d'Hervé Kerneis à la fois très efficace avec son violon et dont le jeu de guitare est très raffiné.
Sans oublier le brio de Yann Goas, maître sonneur qui est très imaginatif dans sa manière de jouer.
A noter dans ce disque une chanson engagée (Bac Plinn) sur la défense de la langue bretonne.
En 1988, le sympathique Raymond Riou décide de prendre un peu de recul et quitte le groupe.
Il est remplacé par Dominique Lardic un guitariste électrique venu du rock.
Autre cd en 1992 "Etre Mor ha Douar"
Dominique Robineau est venu remplacer Eric Dureau aux claviers, les cinq autres sont toujours là.
De nouveau toute une série de compositions sur un mode de danses traditionnelles pour ce très bon disque.
J'aime particulièrement des chansons comme "la Godille" et "Les Bergères, une chanson mêlant les paroles trad. et les réalités d'aujourd'hui.
Boulversement en 1994, puisque Yann Goas décide de quitter le groupe après 22 ans.
Après les interims de quelques musiciens comme Bernard Quilien (Bleizi Ruz) et Youenn Le Bihan (Skolvan), c'est finalement Jacques Beauchamp qui devient le sonneur du groupe.
Il joue aussi du biniou et de l'accordéon.
Enregistré en 1998, le cd "Steir" poursuit la queste musicale du groupe.
Six musiciens, tous barbus, qui semblent se porter à merveille pour ce nouvel opus.
Encore un autre claviériste puisque Philippe Ferec a remplacé Dominique Robineau.
Mais la qualité de la musique produite par les "Du" reste du même niveau.
J'aime beaucoup le rond de St.Vincent "Toutes directions" et l'hanter-dro "L'Hypolipidemie" sur un ton un peu ironique.
Voilà pour les huit titres que je connais car Sonerien Du a enregistré une petite vingtaine de disque.
Les Sonerien Du qui ont parcouru l'Europe entière pour faire plusieurs milliers de festou-noz
sont toujours là pour perpétuer la tradition de la danse.
Ils on fêté leurs 35 ans en 2007 et continuent d'enchanter des publics de tous âges.
Si ce groupe passe dans votre région, ne les ratez pas !